Le changement climatique se traduit par une évolution de la fréquence et de l’intensité des aléas naturels qui induit elle-même une augmentation du nombre d’accidents technologiques. Le projet Risques NaTech du PEPR Risques (IRiMa) vise à mobiliser les sciences pour anticiper et évaluer les situations de crise technologique complexes susceptibles de résulter de ces accidents et produire les données utiles à chaque partie prenante.

Enjeux

Le terme NaTech, contraction de « NAturel » et de « TECHnologique », est aujourd’hui communément utilisé pour désigner l’impact qu’une catastrophe naturelle peut engendrer sur tout ou partie d’une installation industrielle, impact susceptible de provoquer un accident, dont les conséquences peuvent porter atteinte, à l’extérieur de l’emprise du site industriel, aux personnes, aux biens ou à l’environnement. 

Bien qu’ils ne représentent que 2% des événements industriels recensés depuis la mise en place de la base de données ARIA du BARPI[1] en 1992, la tendance est à la hausse ces dernières années. En 2018, ils représentaient 9% des événements recensés en France. 

Dans le contexte du changement climatique, la fréquence et/ou l’intensité des phénomènes naturels extrêmes pourrait croitre encore, justifiant la nécessité de mieux caractériser et anticiper les risques NaTech. 

Pour répondre à cet objectif, une étape importante est l’identification des scénarios NaTech pertinents à étudier. L’enjeu est de les définir et de les explorer de manière collégiale en s’appuyant sur les développements scientifiques les plus récents dans chacune des disciplines concernées, en mobilisant l’ensemble des connaissances et retours d’expérience disponibles, y compris ceux portés par les acteurs des territoires étudiés, et bien sûr en exploitant les projections issues de la communauté des sciences du climat.

Objectifs 

Le projet Risques NaTech propose ainsi d’élaborer des scénarios NaTech avec les acteurs du territoire et de développer des approches méthodologiques et des outils, permettant d’évaluer et de quantifier ces risques et les incertitudes associées. Il prévoit aussi de développer des outils d’aide à la décision et de gestion de crise. Compte tenu des forts enjeux associés, il se concentre sur les territoires urbains et périurbains généralement associés à une densité de population et d’installations industrielles. 

De manière plus générale, le projet vise à :

  • Créer et structurer une communauté NaTech interdisciplinaire (centrée sur le risque technologique) pour une approche intégrée et partagée des risques, de leur anticipation et gestion ;
  • Modéliser, quantifier les risques NaTech, leurs impacts et les incertitudes associées pour des aléas et enjeux non stationnaires, à l’échelle urbaine et périurbaine ;
  • Aider et soutenir l’anticipation et la gestion de crises NaTech sur la base de scénarios d’accidents et le développement d’outils méthodologiques et de modélisation tenant compte des spécificités et des différents acteurs des territoires étudiés.
Le Havre, Normandie, France

Chiffres clés

  • 6.00
    ans

  • 3.00
    sites d'étude

  • 8.00
    partenaires

La centrale nucléaire du Tricastin, vue de l'extérieur, ville de Saint Paul Trois Chateaux, département de la Drome, France

La centrale nucléaire du Tricastin, vue de l'extérieur, ville de Saint Paul Trois Chateaux, département de la Drome, France

© Adobe Stock

Sites pilotes 

Le projet se concentre sur trois territoires sur lesquels les partenaires ont déjà réalisé des études et pour lesquels certaines données sont disponibles : 

  • La basse vallée de la Seine (de Rouen au Havre) pour tester les méthodologies relatives à l’aléa submersion/inondation interagissant avec les risques chimiques dans un contexte de forte urbanisation ;
  • L’estuaire de la Gironde, avec la centrale nucléaire du Blayais et les industries chimiques d’Ambès pour tester les approches NaTech sur la combinaison d’aléas submersion/inondation interagissant avec les risques radiologiques et chimiques et leurs impacts sur les territoires urbains environnants ;
  • La vallée du Rhône pour les outils et méthodes autour de l’aléa sismique et ses impacts potentiels sur les industries nucléaires (Tricastin et Cruas) et chimiques.
Ambès

Ambès

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Axes de recherche et résultats attendus 

Les scientifiques analyseront dans un premier temps les spécificités de ces territoires (aléas, enjeux et vulnérabilités), la structuration des parties prenantes, pour proposer un processus participatif. Ce processus est destiné à animer les échanges au cours du projet et à tester des modalités d’alimentation du processus de décision à l’aide des données de mesure et des résultats de modélisation.

Ils s’attacheront ensuite à :

1. Co-construire des scénarios NaTech, pouvant conduire à des situations de crise, avec les parties prenantes, en tenant compte des spécificités des territoires. 

2. Développer des outils et méthodes permettant d’évaluer et de quantifier ces risques et les incertitudes associées. Le travail correspondant portera notamment sur :

  • La modélisation des impacts des aléas naturels sur les installations industrielles (chimiques ou nucléaires), intégrant le vieillissement des installations et leur vulnérabilité à ces aléas naturels ;
  • La modélisation des effets cascade et la propagation d’incertitudes ;
  • La modélisation du transport atmosphérique de polluants issus d’accidents technologiques en tenant compte des diverses sources d’incertitudes.

3. Proposer un cadre d’expérimentation pour comprendre les paramètres influençant les modalités de prise de décision (délais, incertitudes, priorisation, etc.) des acteurs en charge de la gestion des risques Natech (industriels, autorités) ainsi que les réactions des populations vivant dans les territoires exposés au sein des trois sites pilotes. Les travaux permettront notamment d’analyser l’influence du processus de traduction spatiale d’un « danger » une fois celui-ci perçu, vu ou entendu par l'une ou l'autre des parties prenantes. Ils permettront de dresser un état des lieux des bonnes pratiques à mettre en œuvre après chaque catastrophe et d’améliorer les connaissances en proposant un cadre d’analyse adapté aux situations passées et futures.

Co-responsables

Karine Adam (Ineris), coordinatrice du projet Risques NaTech, est ingénieure chimiste de formation. Coordinatrice des programmes associés à la thématique « Risques à l’échelle des sites industriels et des territoires » à l’Ineris, ses missions portent sur l’analyse stratégique et prospective et la mise en place de travaux méthodologiques et applicatifs en vue de décliner une analyse intégrée des évaluations des risques au regard des évolutions industrielles, territoriales, voire climatiques. Forte d’une expertise de 20 ans dans le domaine de l’évaluation et de la prévention des risques environnementaux, elle a notamment été impliquée dans l’accompagnement au développement sûr et durable de filières industrielles et agricoles à l’échelle nationale, dans des projets de recherche sur les bioraffineries du futur en lien avec les enjeux de la bioéconomie.

Irène Korsakissok (IRSN), ingénieure et docteure en sciences de l’environnement, travaille depuis plus de douze ans au Service des Situations d’Urgence et de Préparation à la Crise de l’IRSN où elle partage son temps entre des activités de recherche et des responsabilités au sein de l’organisation de crise. Ses recherches sur les modèles de dispersion atmosphérique et incertitudes associés se nourrissent ainsi des besoins opérationnels liés à la gestion de crise et du retour d’expérience de crises réelles (notamment Fukushima) et des exercices de crise nationaux et internationaux. Irène a participé à plus d’une quarantaine d’exercices de crise et contribue régulièrement à la scénarisation des exercices sur le terrain en collaboration avec les exploitants et les acteurs publics. 

Partenaires

Le projet Risques NaTech repose sur une collaboration multidisciplinaire entre des scientifiques spécialistes des sciences de l’environnement, des sciences de l’ingénieur, des sciences de l’information, des sciences humaines et sociales, mais aussi les parties prenantes du territoire. 

Les membres du projet Risques NaTech développeront également des interactions avec d’autres projets du PEPR Risques (IRiMa) : IRIMONT (Montagne), IRICOT (Littoral), Outre-mer et Risques et Sociétés, en particulier sur la documentation de l’évolution passée des enjeux et des vulnérabilités, l’élaboration de scénarios et de méthodologies génériques (notamment sur les phénomènes et risques en cascade et les enjeux non stationnaires, la gestion dynamique des risques, et l’aide à la décision).

Le projet regroupe : 

  • L’Ineris (établissement coordinateur) 
  • L’IRSN (copilote)
  • L’Université Grenoble Alpes incluant Inrae, IRD, Grenoble INP
  • Le CNRS – Université d’Avignon
  • L’IMT Atlantique 
  • L’ENTPE
  • Météo-France
  • L’Université Dauphine – PSL

 

[1] ARIA (Analyse, Recherche et Information sur les Accidents) gérée par le BARPI (Bureau d’Analyse des Risques et Pollutions Industriels) du Ministère chargé de l’Ecologie.