Un aléa naturel (inondation, séisme, feu de forêt, …) peut impacter tout ou partie d’une installation industrielle et provoquer un accident dont les conséquences peuvent porter atteinte aux personnes, aux biens ou à l’environnement, on parle alors d’événement NaTech. Bien qu’ils ne représentent que 2% des événements industriels recensés depuis la mise en place de la base de données ARIA du BARPI en 1992, la tendance est à la hausse ces dernières années. En 2018, les événements NaTech représentaient 9% des événements recensés en France.
Dans ce contexte, le projet Risques NaTech vise à créer une communauté scientifique NaTech interdisciplinaire centrée sur le risque technologique afin de caractériser, d’anticiper ces risques, et de produire des données utiles pour les différents acteurs concernés (scientifiques, décideurs, citoyens, industriels).
Il est construit autour de quatre tâches :
- L’analyse des spécificités des territoires étudiés (aléas, enjeux et vulnérabilités) et de la structuration des parties prenantes, et la mise en place d’un processus participatif destiné à animer les échanges au cours du projet ;
- La co-construction de scénarios NaTech avec les acteurs des territoires étudiés ;
- L’élaboration d’outils et de modèles numériques pour l’évaluation des risques NaTech ;
- Le développement de méthodes et d’outils pour l’aide à la décision et la gestion de crise.
Le projet Risques NaTech se concentre sur les territoires urbains et périurbains généralement associés à une densité de population et d’installations industrielles, et couvre 3 sites pilotes en France :
- La basse vallée de la Seine (de Rouen au Havre) pour tester les méthodologies relatives à l’aléa submersion/inondation interagissant avec les risques chimiques dans un contexte de forte urbanisation ;
- L’estuaire de la Gironde, avec la centrale nucléaire du Blayais et les industries chimiques d’Ambès, pour travailler sur la combinaison d’aléas submersion/inondation avec les risques radiologiques et chimiques et leurs impacts sur les territoires urbains environnants ;
- La vallée du Rhône pour le développement d’outils et méthodes autour de l’aléa sismique et ses impacts potentiels sur les industries nucléaires et chimiques.
De la caractérisation des risques NaTech et l’analyse sociétale des territoires étudiés à la co-construction de scénarios pertinents
Le travail portera en premier lieu sur la caractérisation des risques NaTech à partir du cadre « classique » d’évaluation qui repose sur l’analyse de l’impact d’un ou de plusieurs aléas naturels sur les équipements industriels. Il s’agira d’étudier la vulnérabilité de ces équipements, d’analyser si leur intégrité est mise à mal, et d’estimer alors les pertes de confinement et les conséquences à l’échelle du territoire. Pour cela, des données sur les aléas naturels considérés dans le projet (submersion, inondation, séisme), par exemple des cartes des zones potentiellement impactées associées à des hauteurs et vitesses d'écoulement d’eau en cas de submersion, et caractéristiques des équipements industriels sont nécessaires. L’équipe s’appuiera notamment sur les données du projet IRICOT du PEPR Risques et de Météo France pour les aléas naturels. L’apport du projet NaTech sera de combiner différents types de risques pour les évaluations et la prise de décision (superposition de cartes, effets dominos), et d’étendre l’approche d’évaluation des risques à l’ensemble du territoire en tenant compte des interdépendances entre les infrastructures.
Un des enjeux est d’associer une analyse sociétale à ce cadre d’évaluation des risques NaTech afin d’identifier les acteurs territoriaux, économiques et industriels concernés par les accidents et les impacts potentiels. Une thèse sera menée sur la base de ces éléments en vue de construire un processus participatif pour la création et l’animation d’une communauté NaTech.
Dans un second temps, l’équipe travaillera à l’élaboration de quatre scénarios NaTech pouvant conduire à des situations de crise : deux scénarios dits « plausibles » (basse vallée de la Seine et estuaire de la Gironde), un scénario dit « extrême » ; c’est-à-dire considéré comme ayant une faible probabilité (vallée du Rhône) et un scénario dit « de rupture » (estuaire de la Gironde), hors des scénarios classiquement envisagés dans l’évaluation des risques et la gestion de crise. La réunion de lancement du projet fut l’occasion d’échanger sur les actions à mener, notamment la définition précise des scénarios plausible, extrême et de rupture, le mode opératoire pour leur co-construction avec les parties prenantes, la coordination entre les différentes équipes impliquées, les périmètres des sites pilotes ou encore les formats attendus des scénarios pour les outils et modèles qui seront développés dans le projet.
Des outils et modèles numériques pour l’évaluation des risques NaTech
Ces scénarios alimenteront en effet la tâche 3 du projet, dédiée à la conception d’outils et de modèles numériques pour l’évaluation des risques NaTech. Il s’agira de quantifier l’impact d’un scénario sur une activité industrielle puis une zone géographique ou un îlot nucléaire, en déterminant les courbes de fragilité pour conduire des études probabilistes et prospectives de sûreté ou de sécurité.
L’équipe souligne également l’enjeu de caractériser l’évolution de la vulnérabilité des installations industrielles dans le temps (sous l’effet de la dégradation, du vieillissement, de chocs successifs) soumises à des aléas naturels et technologiques, ce qui fera l’objet d’une thèse. Une meilleure prise en compte des effets cascades dans l’évaluation des risques est de plus nécessaire, c’est pourquoi l’équipe se concentrera sur :
- La conception de modèles numériques de simulation dynamique pour rendre compte des vulnérabilités de sites industriels et d’infrastructures critiques à des phénomènes naturels, et des événements en cascades ;
- L’élaboration de méthodes pour analyser, caractériser et quantifier les effets cascades et effets système pour contribuer à l’aide à la décision.
Enfin, un travail sera mené sur la propagation et l’identification des zones exposées en cas d’accidents radiologique ou chimique potentiels en tenant compte des incertitudes (sur les rejets de substances dangereuses dans l’atmosphère et les prévisions météorologiques). Il visera à proposer des méthodes et des outils basés sur des modèles numériques mais aussi de l’intelligence artificielle pour générer des cartographies dynamiques des zones d'impacts potentielles, et identifier des scénarios d’intérêt pour l’aide à la décision (évacuation, confinement, etc.).
Vers une confrontation des scénarios et des modèles au terrain pour l’aide à la décision
Quels paramètres influencent alors les modalités de prise de décision (délais, incertitudes, priorisation, etc.) des acteurs en charge de la gestion des risques NaTech, et les réactions des populations exposées ? Ces questions sont au cœur du projet qui prévoit également :
- L’étude du processus d’alerte face à une situation de crise : l’équipe analysera des retours d’expérience (REX) portant sur les aléas naturels, industriels et NaTech, ainsi que l’organisation spatiale et l’expérience de l’alerte, et proposera une méthodologie de REX qui intègre davantage l’alerte pour une meilleure connaissance de celle-ci.
- L’analyse de la perception et la communication du risque radiologique avec des incertitudes, dans le cadre d’une expérience menée auprès d’un panel de personnes exposées à un scénario aux conséquences radiologiques incertaines et ayant reçu des informations et des supports de communication différents. Il s’agira d’étudier leurs perceptions, comportements et décisions selon les informations et représentations reçues, à l’instar de la figure ci-contre qui montre deux façons de présenter les trajectoires possibles d’un ouragan.
- Le développement d’une approche d’analyse multicritères (techniques, économiques, environnementaux, sociaux) et multi-acteurs, en vue d’organiser la concertation pour la prise de décision.
Exercice national de crise au Centre Technique de Crise (CTC) de l’IRSN à Fontenay-aux-Roses le 15 octobre 2019
© Célia Goumard/Médiathèque IRSN
- Le cadrage d’expériences de mise en situation de crise afin de jouer certains scénarios NaTech pour comparer les approches et outils d’expertise des acteurs pour différents types de risques (INERIS, IRSN, Météo France…) et nourrir les développements envisagés au cours du projet. Une mise en situation prévue en fin de projet Natech permettra d’évaluer l’apport du projet au regard des outils et méthodes de gestion de crise développés, potentiellement dans le cadre d’un exercice de crise en associant les acteurs de terrain.
La réunion de lancement fut l’occasion de favoriser les échanges entre les membres du projet, notamment sur l’identification des acteurs au sein des territoires étudiés, les précédentes expériences de collectifs participatifs pour la gestion des risques, et les partenaires territoriaux actuels, en vue de bien démarrer les travaux de recherche. Cette journée a réuni une vingtaine de personnes en présentiel à l’IRSN, et une trentaine en visioconférence.
Le projet Risque NaTech, coordonné par l’INERIS et l’IRSN, associe l’Université Grenoble Alpes incluant Inrae, IRD, Grenoble INP, le CNRS – Université d’Avignon, l’IMT Atlantique, l’ENTPE, Météo-France et l’Université Dauphine – PSL.