Sommaire
    La journée scientifique annuelle du programme Risques (IRiMa) a eu lieu le 4 juin dernier à la Maison MINATEC, à Grenoble. Plusieurs dizaines de personnes se sont réunies pour découvrir les thématiques de recherche en cours dans le programme et pour se rencontrer, parfois pour la première fois. Les doctorant·es du programme ont notamment eu l’occasion de présenter leurs projets au public et de répondre à leurs questions.

    Michel Jaboyedoff, de l’Université de Lausanne a donné une conférence sur les défis liés aux risques de mouvements gravitaires et de nombreux représentants du monde académique, associatif, politique et de la sécurité civile, ont pu présenter leurs travaux et échanger sur des thèmes communs lors des tables rondes. Enfin, 5 programmes (PEPR) se sont réunis à l’occasion de cette journée pour évoquer ensemble, aux côtés du programme Risques, leurs opportunités de collaboration.
    16 juin 2025
    Journée scientifique annuelle 2025
    L’année 2025 connaîtra de nombreux recrutements de doctorant·es et post-doctorant·es. Ces forces vives du programme sont essentielles à l’atteinte des objectifs des projets et à la structuration d’une future communauté scientifique pluridisciplinaire pour une science intégrée des risques. Cette journée scientifique a été, pour cette jeune génération, l’occasion de découvrir pour la première fois la communauté du programme Risques (IRiMa) dans toute sa diversité, d’échanger sur leurs travaux autour de leurs posters et de les présenter face à un public bienveillant, dans certains cas pour la première fois.

    Présentations par les doctorant·es de leurs sujets de thèses.

    © PEPR Risques (IRiMa)

    Sujets de thèses présentés dans le cadre du projet Risques en montagne (IRIMONT)

    Lucie Armand mènera ce projet de thèse pour comprendre comment les glissements induits par un événement extrême influencent la caractérisation des conditions de déclenchement des glissements de terrain.

    Son travail sera organisé en deux axes : 

    • améliorer la connaissance des conditions de déclenchement, pour identifier et hiérarchiser les caractéristiques les plus pertinentes et combiner tous ces facteurs pour comprendre plus précisément les conditions de déclenchement des glissements ;
    • prendre en compte la propagation du phénomène pour analyser la probabilité d’atteinte des zones à enjeux.

    Direction : Guillaume Chambon (INRAE/IGE).

    Co-encadrement : Séverine Bernardie ; Olivier Cerdan (BRGM).

    Cette thèse pluridisciplinaire en ergonomie et géosciences, menée par Juliette Bazin, vise à comprendre la gestion des risques liés aux ROGP sous l’effet du changement climatique, et les relations entre les acteurs du territoire dans le but de favoriser la co-construction des actions de gestion et de prévention des risques.

    Ce travail sera mené à la fois à une échelle globale et historique et à partir d’une étude de cas : 

    • Base de données événementielle :
      • À travers une relecture historique des événements : évaluer leur fréquence et leur répartition & comprendre comment la gestion des risques ROGP s'est construite selon les pays de l'arc alpin et selon le prisme de perception du risque en cours au moment de l’évènement.
    • Étude de cas de La Bérarde après la crue torrentielle de juin 2024 :
      • Via une série d’entretiens avec les experts travaillant sur le RETEX et les autorités : comprendre la construction du RETEX et l’utilisation des piliers de gestion de risque pendant et après l’événement et évaluer les impacts de la crise sur les conditions de travail et la santé.

    Co-direction : Sandrine Caroly (UGA) ; Ludovic Ravanel (EDYTEM /CNRS/USMB).

    La thèse menée par Alix Bisquert combinera des données issues de différentes sources, l’une historique, l’autre paléo-environnemental. L’enjeu majeur sera de caractériser les sources utilisées, d’évaluer leurs apports, limites, résolutions spatiales et temporelles. 

    Tout cela permettant une utilisation fiable de ces données afin de développer une méthodologie générique qui permettrait de combiner des données historiques et paléo-environnementales, aboutissant à une chronologie précise d’un aléa.

    Cet objectif nécessitera la compilation de données historiques et dendro-géomophologiques concernant les avalanches, depuis 1800 (les avalanches représentant une source archivistique diversifiée et de bonne qualité).

    Ce travail se concentrera sur deux zones ciblées et déjà bien documentées : le massif des Vosges et du Queyras sur la période 1800-2025.

    Co-direction : Nicolas Eckert (INRAE/UGA) ; Florie Giacona (UGA/INRAE/CNRS) ; Christophe Corona (UGA/USMB/CNRS).

    Ce travail de thèse mené par Ronald Concha étudiera les dynamiques spatiotemporelles des instabilités gravitaires de grande ampleur dans la cordillère blanche, au Pérou.

    Il cherchera pour cela à comprendre quelles sont les relations entre la fréquence, la magnitude, les condition topo-climatiques et les caractéristiques géométriques de ces instabilités.

    D’ores et déjà, la comparaison avec les données paléoclimatiques locales suggère une concomitance entre des événements gravitationnels extrêmes et les fluctuations climatiques de la fin du Pléistocène/Holocène.

    D'autres événements paléo-gravitaires seront cartographiés et ciblés pour la datation dans les vallées adjacentes, afin d'élargir la base de données et aboutir à une compréhension plus fine de ce phénomène.

    Co-direction : Julien Carcaillet (CNRS) ; Swann Zerathe (IRD) ; Benjamin Lehmann (CNRS).

    Face à l’augmentation de la taille et de la fréquence des chutes de blocs, la thèse de Chloé Gergely s’intéresse au développement de modèles numériques qui viseront à modéliser les instabilités liées au réchauffement du pergélisol et les chutes de blocs avec fragmentation. 

    Pour réaliser ces modèles, le travail mené sera basé sur des méthodes issues de la dynamique non lisse* et des modèles de zones cohésives. Cela permettra de ramener ces problématiques à un format qu’il est possible de résoudre facilement dès aujourd’hui.

    Un travail sur les méthodes numériques sera également mené, afin de veiller à une conception optimale permettant de rendre les modèles moins couteux numériquement, plus durables, tout en conservant une qualité optimale de modélisation.

    Co-direction : Vincent Acary (Inria) ; Franck Bourrier (INRAE).

    *Cadre théorique et numérique adapté à la modélisation de systèmes mécaniques comportant des discontinuités, comme les chocs, les frottements secs, les contacts unilatéraux, ainsi que la plasticité et la rupture.

     

    Les moraines, amas sédimentaires en front des glaciers, par leurs datations et leurs positions, nous renseignent sur leurs trajectoires et permettent ainsi de comprendre leurs dynamiques.

    Le travail de Maud Megret mené durant cette thèse consistera à mettre en œuvre des méthodes statistiques, notamment basées sur la théorie des valeurs records, afin de reconstruire les trajectoires passées des glaciers.

    Co-direction : Philippe Naveau (CNRS) ; Nicolas Eckert (INRAE/UGA) ; Mike Pereira (École des Mines Paris – PSL) ; Vincent Jomelli (CNRS).

    Sujets de thèses présentés dans le cadre du projet Risques NaTech

    Ce projet de thèse mené par Claire Jaffrézic, vise à rechercher comment adapter le processus d’alerte face au risque NaTech, en fonction des leçons retenues des retours d’expérience passés.

    Elle mobilisera différentes méthodes, en particulier : 

    • l’analyse spatiale pour avoir voir une vue synoptique du risque NaTech ;
    • des entretiens semi-directifs pour analyser les rôles des acteurs, leurs interactions, les chaînes de décision et de transmission de l’alerte ;
    • l’analyse des retours d’expérience pour capitaliser sur l’expérience passée pour améliorer les réponses futures en matière d’alerte.

    Co-direction : Johnny Douvinet (Avignon Université) ; Karine Weiss (Université de Nîmes) ; Elsa Gisquet (ASNR) ; Eric Daudé (CNRS/Université de Rouen).

    Victoria Mowbray travaille sur une évaluation probabiliste des risques sismiques (PSHA). Ce travail de thèse se concentre sur le sud-est de la France, caractérisé par une sismicité faible à modérée, une déformation lente active et une structure tectonique complexe. Ce travail repose sur le développement de deux modèles : 

    • un modèle de faille pour PSHA à partir d'une sélection de failles de la base de données des failles potentiellement actives (BDFA), avec estimation des taux de glissement géodésique horizontaux ;
    • un modèle de zonation sismotectonique basés sur la géologie structurale, la sismicité et la déformation de la croûte terrestre.

    Co-direction : Céline Beauval (IRD) ; Christian Sue (UGA).

    Co-encadrement : Anne Lemoine (BRGM) ; Margot Mathey (IRSN) ; Stéphane Baize (ASNR).

    Sujet de thèse présenté dans le cadre du projet Risques et sociétés (RISC)

    Ce projet de thèse étudiera les liens entre l'expérience d’événements climatiques extrêmes et les comportements écologiques des françai·es et des espagnol·es. Juliette Quénéa analysera le potentiel socialisateur des événements climatiques extrêmes en explorant leurs effets différenciés sur trois aspects clés : 

    • les pratiques de consommation ;
    • le rapport à l'habitat ;
    • le comportement politique.

    Ce travail sera mené via une enquête quantitative et qualitative avec un poids particulier donné à la position sociale des individus.

    Co-direction : Benoit Giry (Science po Rennes/CNRS) ; Philippe Coulangeon (CNRS).

    Journée scientifique annuelle 2025
    Les défis liés aux risques de mouvements gravitaires dans les régions de montagne dans un contexte dynamique.

    Les défis liés aux risques de mouvements gravitaires dans les régions de montagne dans un contexte dynamique - Michel Jaboyedoff (Université de Lausanne).

    © PEPR Risques (IRiMa)

    Présentation complète.

    Cette présentation a été précédée de quelques jours par la catastrophe du village de Blatten, en Suisse, qui exemplifie tragiquement les conséquences du risque de mouvement gravitaire en montagne. Après une présentation de l’évènement, appuyé par les données les plus récentes des organismes scientifiques Suisses, Michel Jaboyedoff (Université de Lausanne) a rappelé le cadre conceptuel de l’étude des mouvements de terrain.

    En effet, pour étudier une instabilité, le développement de modèles conceptuel (cartographie, contexte environnementale, coupe, hydrogéologie, etc.) est la première étape essentielle pour quantifier l’aléas et déduire les scénarios de rupture. 

    En s’appuyant sur de nombreux travaux internationaux, il a présenté certains des enjeux actuels les plus importants, tels que :

    • les méthodes d’évaluation de l’aléa de rupture ou de déclenchement ;
    • les différences entre systèmes d’alarme et système d’alerte précoce et la nécessité de chacun d’eux ;
    • les outils de surveillance des mouvements gravitaires ;
    • les facteurs météorologiques et les critères mis en œuvre dans les seuils d’alerte ;
    • les mesures d’atténuation de mouvement gravitaire, notamment par les solutions fondées sur la nature.

    Malgré la mise en œuvre d’une gestion intégrée des risques, il souligne que les incertitudes font partie de la gestion des risques et sont bénéfiques à condition de les reconnaître et de les mettre à profit. 

    « Les décisions doivent être fondée sur des arguments et basées sur les faits disponibles ainsi que sur les connaissances techniques et scientifiques existante au moment de leur prise ».  Michel Jaboyedoff.

    Son intervention s’est terminée par la présentation d’orientations de recherche centrales pour les années à venir :

    • méthodologie d’établissement de modèles conceptuels ;
    • qualité des inventaires ;
    • nombre de sites suivis ;
    • fonte des neiges et précipitations ;
    • tolérance des populations (études en neurosciences et approche participative) ;
    • Etc.
    Journée scientifique annuelle 2025
    Cette table ronde, animée par Gilles Grandjean (BRGM / co-directeur du programme), portait sur les enjeux de la recherche en sciences des risques hydro-climatiques liés au dérèglement climatique.
    Table ronde sciences des risques liés aux changements climatiques : l’enjeu hydro-climatique.

    Les phénomènes cycloniques tels que le cyclone Shido qui a touché Mayotte et les submersions marines en zones estuariennes soulignent l’impact de l’urbanisation dans l’augmentation et la gestion des risques. De plus, l’étude et l’application de savoir-faire traditionnels en matière de construction ainsi que l’augmentation de l’interdisciplinarité en modélisation d’extrêmes climatiques éclairent de nouvelles voies pour l’anticipation et la gestion post-catastrophe.

    Ces expertises ont permis d’ouvrir des discussions sur des problématiques communes tels que l’accès à l’eau potable et la structuration de l’interdisciplinarité, l’ouverture aux acteurs locaux et la sensibilisation de la sphère médiatique pour faciliter la construction et le transfert d’une gestion intégrée et opérationnelle des risques.

    Intervenant·es : 

    • Bernard Guezo, expert en adaptation aux changements globaux, ingénierie territoriale et résilience, membre de AFPCNT, ancien pilote du programme Risques du Cerema (replay / présentation).
    • Nicolas Eckert (INRAE), chercheur en risques en montagne, cryosphère et climat de montagne, glaciers, co-coordinateur du Risk Institute (UGA) (replay / présentation).
    • Aldo Sottolichio (Université de Bordeaux), chercheur en géosciences et physique du littoral (replay / présentation).
    • Philippe Garnier, architecte et chercheur à l’ENSAG (replay / présentation).

    Replay complet

    Table ronde - Sciences des risques liés aux changements climatiques : l’enjeu hydro-climatique.

    © PEPR Risques (IRiMa)

    Quand la croissance démographique et urbaine façonne l’anticipation et la gestion des risques

     

    Bernard Guézo fait part de son retour d’expérience, notamment Outre-Mer et en Asie, soulignant l’influence de l’urbanisation et la croissance démographique sur la gestion des risques, au-delà de l’augmentation des enjeux exposés. Ainsi, pour un territoire donné, il est assez facile d’imaginer que les comportements les plus adéquats face à un risque naturel sont transmis à travers les générations qui y vivent. Or, dans un contexte de forte augmentation démographique et urbaine, comme à Mayotte, cette progression vient bousculer le rythme de transmission habituel des savoirs et des bons réflexes. Souvent sous-estimée, cette évolution s’avère pourtant primordiale dans la façon de concevoir la culture du risque et le soutien de la population lors de ces évènements.

    La croissance démographique et urbaine fragilise les territoires déjà exposés aux risques naturels exacerbés par le changement climatique. C’est le cas du territoire littoral de Semarang (Java) en Indonésie exposé à l’érosion, à la rehausse du niveau marin et à l’accentuation des perturbations météorologiques. Cette croissance fragilise le sous-sol sédimentaire. Les prélèvements importants d’eau nécessaires à la population et aux activités économiques accentuent la subsidence naturelle ce qui a pour effet d’accroître les inondations marines et continentales. Dans le cas de Semarang, cet impact est particulièrement frappant, avec un affaissement de secteurs urbanisés de la bande littorale Jusqu’à 12 à 14 cm par an, soit plus de 1 m en 10 ans, évolution bien corrélée à l’augmentation de l’urbanisation.

     

    L’interdisciplinarité au service de la modélisation

     

    Le changement climatique affecte profondément les aléas générateurs de risque, en premier lieu les niveaux de retour pour lesquels l’hypothèse de stationnarité est désormais caduque. Nicolas Eckert relève néanmoins que les évolutions concomitantes des enjeux et de leur environnement rendent les risques hautement non stationnaires dans l’ensemble de leurs composantes, avec un poids souvent prépondérant. La prise en compte de ces évolutions et des complexités croissantes ainsi générées (effets en cascade par exemple) pose de nombreux défis à la recherche.

    Au niveau fondamental, il s’agit de développer la vision conceptuelle générique et intégrative des risques pour opérationnaliser le concept de multirisque avec une compréhension fine des processus en jeux permettant l’extrapolation. C’est ici que l’interdisciplinarité devient centrale, notamment pour convoquer les études historiques, mettant à profit les analyses d’archives dans l’élaboration de projections indispensables qui combinent apprentissage sur une durée suffisante et scénarios futurs climatiques et socio-environnementaux. Les nouveaux modèles statistiques d’intelligence artificielle sont également mis à contribution, en les combinant avec de la modélisation statistique explicite déjà éprouvée. Avec l’évolution des modèles d’apprentissage et de la télédétection, les opportunités se multiplient pour combiner le meilleur des différentes approches.

    Les résultats attendus seront précieux pour augmenter la compréhension des processus en jeux, pour lier les projections globales aux impacts locaux et mieux comprendre l’évolution des risques en fonction des stratégies de gestion, pour une mise en œuvre de l’adaptation basée sur des faits et plus largement une aide à la décision fiabilisée.

     

    Réchauffement climatique et urbanisation : des risques accrus pour la biodiversité et les infrastructures en zones estuariennes

     

    Dans un contexte de réchauffement climatique, Aldo Sottolichio alerte sur une augmentation préoccupante des risques de submersion pour les populations humaines dans certains estuaires bordés par une urbanisation dense. À l’élévation du niveau marin, l’augmentation des tempêtes et les crues fluviales, s’ajoute désormais la contribution significative des grandes marées qui se sont amplifiées du fait des changements de la morphologie des fonds des estuaires.

    En particulier, l’amplification de la marée au niveau de la Garonne estuarienne a déjà connu une rapide évolution en quelques décennies. Entre 1953 et 2014, son amplitude a augmenté d’un mètre en moyenne, ce qui a favorisé une élévation croissante des niveaux de pleine mer et des submersions chroniques des rives de la Garonne autour de Bordeaux lors des grandes marées de mars.

    Un autre risque majeur dans les estuaires, est celui de l’hypoxie des eaux. L’augmentation des températures de l’air et de l’eau, l’augmentation des populations bordant l’estuaire (et donc des rejets urbains) pourraient rendre chronique les hypoxies estivales, qui pourraient devenir permanentes pendant plusieurs mois de l’été, menaçant la santé des poissons migrateurs et la qualité biologique des estuaires.

    Face à ce constat des risques croissants dans les estuaires, l’interdisciplinarité est là encore convoquée pour cerner ces phénomènes en prenant en compte une multitude de facteurs, tels que le climat, la météo, l’urbanisation, la gestion du débit fluvial amont, la gestion de ouvrages de défense, entre autres. Sans oublier les aspects politiques pour à la fois protéger et limiter les zones urbanisées, en partie causes et victimes de ces phénomènes.

     

    Les architectures traditionnelles comme source de résilience pour l’habitat

     

    Philippe Garnier rappelle que la transmissions de l’expérience du risque à travers les générations n’est pas limité aux bons gestes le moment venu. Les populations régulièrement exposées aux risques de catastrophes naturelles font souvent preuves d’une précieuse expertise en termes de conception des lieux de vies, permettant à la fois une réduction des risques et une résilience accrue quand elles gardent une connaissance forte de leur territoire.

    L’habitation ayant pour fonction primaire la protection face aux intempéries, les savoir-faire architecturaux traditionnels de certaines populations s’avèrent être riches d’enseignements pour l’architecture contemporaine. C’est pourquoi certaines approches techniques traditionnelles sont désormais expérimentées pour un usage à large échelle, dans un contexte où les méthodes et matériaux de constructions mis en œuvre depuis des décennies ont un impact négatif bien documenté et connu sur le dérèglement climatique.

    Penser et mettre en œuvre une gestion des risques, co-construite avec les populations locales semble essentielle pour assurer la valorisation et la pérennisation des savoir-faire adaptés à leurs territoires, en particulier car 80% des reconstructions sont faite par les acteurs locaux. Bien que les sociétés contemporaines, occidentales en particulier, abordent difficilement l’aspect sacrificiel de certaines constructions, l’histoire montre que les traditions d’anticipation, d’acceptation et de gestion des destructions peut favoriser la résilience d’une population, à l’inverse d’une logique d’édification de contres-forces face aux aléas climatiques et naturels.

    Journée scientifique annuelle 2025
    La table ronde dédiée aux risques pour la métropole Grenobloise et à l’écosystème du sillon alpin était animée par Didier Georges (UGA / co-directeur du programme). Cette séquence a été marquée par les présentations de deux structures qui sont au cœur de l’action territoriale en matière de gestion des risques : Grenoble Alpes Métropole et le Pôle Alpin d’études et de recherche pour la prévention des Risques Naturels (PARN). La présentation des enjeux auxquels ces structures sont confrontées a été suivie des réflexions des scientifiques et représentant des services de secours locaux quant aux limites et concordances avec la recherche actuelle et le terrain.
     Tables rondes risques pour la métropole grenobloise et l’écosystème du sillon alpin

    La présence du Service Départemental d’Incendie et de Secours de l’Isère (SDIS 38) a permis de rappeler l’importance des pompiers professionnels et volontaires (80% des effectifs) dans la sécurité civile ainsi que les relations constantes entretenues avec toutes les organisations impliquées dans la science et la gestion des risques. Le pilotage politique des actions de terrain a également été évoqué et la notion d’ergonomie a pu être développée. En effet, l’ergonomie est fortement impliquée dans la gestion des risques sociaux lors de la mise en place des processus de gestion des catastrophes. Elle facilite la mise en relation entre les acteurs et la prise en compte de leurs besoins dans l’intérêt collectif. 

    La difficulté grandissante de récolte de données d’observation pour alimenter les projets de recherche a également été soulignée. Cette perturbation des données d’observation, causée par le dérèglement climatique, a renforcé le développement de partenariats pluridisciplinaires, des sciences participatives et le déploiement d’instrumentation low-tech permettant de démultiplier les sites d’observation.

    L’approche multirisque et de mieux en mieux intégré aux politiques publiques et de nouveaux aléas commencent à être pris en compte sérieusement, comme les risques sismiques dans la métropole Grenobloise qui soutient des travaux multipartenaires.
    Le monde académique augmente sa présence auprès des organisations chargées de la gestion des risques, pour autant, l’expertise scientifique rencontre des difficultés quant à l’évaluations des dommages. Ceci est notamment lié à la prise en compte du vieillissement des infrastructure, qui nécessiterait une instrumentation encore à développer, qui pourrait par exemple se décliner en instrumentation citoyenne.

    Il existe encore des points aveugles dans les stratégies de gestion des risques, mais de nombreux travaux pluridisciplinaires sont en cours concernant l’approche multirisque et la gestion des populations.

    Intervenant·es :

    • Vincent Boudières, responsable de la mission Risques à Grenoble-Alpes-Métropole (replay / présentation).
    • Florence Marchon, directrice du Pôle Alpin d’études et de recherche pour la prévention des Risques Naturels (PARN) (replay / présentation).
    • Lieutenant-colonel David Marchandeau, Service Départemental d’Incendie et de Secours de l’Isère (SDIS 38) (replay).
    • Cécile Cornou (IRD), chercheuse en risques sismiques au Laboratoire ISTerre et au Risk Institute (replay).
    • Sandrine Caroly (Grenoble INP - UGA), chercheuse ergonomie au laboratoire PACTE et au Risk Institute (replay).
    • Nathalie Cotte, directrice de l’Observatoire des sciences de l’Univers de Grenoble (OSUG) (replay).
    • Michel Jaboyedoff (Université de Lausane), chercheurs en risques gravitaires.

    Replay complet

    Table ronde - Risques pour la métropole grenobloise et l’écosystème du sillon alpin.

    © PEPR Risques (IRiMa)

    Grenoble Alpes métropole, un territoire de risques

     

    Responsable de la mission Risques à Grenoble-Alpes-Métropole, Vincent Boudières nous a présenté les nombreux risques auxquels est confrontée la métropole Grenobloise. Les risques gravitaires, hydrauliques et NaTech en particulier, bénéficient d’investissements importants dans leur prédiction, sensibilisation et surveillance.

    Partant du constat que des politiques publiques, bien que conçues avec rigueur scientifique, peuvent s’avérer dangereuses si elles ont une focalisation monorisque, la position de Grenoble Alpes Métropole se révèle être en bonne adéquation avec une gestion intégrée des risques telle que prônée par le programme Risques (IRiMa), en plaçant une vision multirisque au cœur de son action.

    Par exemple, alors que la sécurité de centaines de milliers de personnes est actuellement assurée par des sites d’endiguement, la question centrale de l’urbanisation tend à s’orienter vers un renouvellement urbain intégrant les problématiques de multirisques plutôt qu’une poursuite de l’étalement urbain sur des territoires qui pourront se révéler sources de risques. 

    Plusieurs outils sont à disposition de la métropole, lui permettant de bénéficier d’une vision globale et multirisques pour mettre en œuvre un plan de gestion intégrée. 

    • GEMAPI GAM pour une surveillance en temps réel du système d’endiguement et de protection des biens et des personnes en zones protégées.
    • Le plan d’anticipation gradué (PAG) décliné au niveau de la gestion de crise torrentielle.
    • Le guide métropolitain de l’aménagement résilient, en partenariat avec le Cerema.
    • À paraître : le plan intercommunal de sauvegarde métropolitain.

     

    Le Pôle alpin d’étude et de recherche pour la prévention des risques naturels (PARN), acteur de la mise en œuvre des synergies territoriales en gestion des risques

     

    Créé en 1988, le PARN rassemble actuellement 9 organismes d’étude et de recherche sur les risques naturels en région Rhône-Alpes. Florence Marchon, directrice de cette association, a été invitée à cette table ronde pour présenter ses diverses missions. 

    En collaboration rapprochée avec tous les acteurs de la gestion des risques du massif Alpin, le PARN travaille au renforcement de la place des scientifiques dans les décisions sociétales et favorise la synergie des acteurs du massif alpin autour d’une nouvelle habitabilité des territoires exposés.

    Cette activité se décline à différentes échelles avec les parties prenantes impliquées et vise à consolider les complémentarités de cet écosystème pour en améliorer la coopération. Pour cela, la gestion intégrée des risques naturels a prouvé son efficacité dans l’accompagnement des territoires face aux changements globaux. Le PARN représente un cadre favorable à la collaboration multi-acteurs en s’investissant dans l’animation du réseau des territoires de gestion intégrée des risques naturels (GIRN), les problématiques liées au tourisme ou encore l’adaptation aux phénomènes extrêmes.

    Entre 2024 et 2027, le PARN mettra en œuvre son projet stratégique de déploiement d’une gestion intégrée des risques naturels en montagne, avec notamment la valorisation des données de la plateforme Alpes-Climat-Risques, le renforcement de la coopération territoriale et euro-alpine et l’animation des réseaux TAGIRN (Territoires Alpins de Gestion Intégrée des Risques Naturels) et SDA (Science-Décision-Action pour la prévention des RN dans les Alpes).

    Journée scientifique annuelle 2025
    5 programmes de recherche (PEPR) ont été conviés afin d’éclairer des pistes de collaborations et rappeler les opportunités déjà existantes.

    Programmes de recherche (PEPR) partenaires - Présentations et opportunités de collaboration.

    © PEPR Risques (IRiMa)

    Des projets de thèses et de post-doctorats, fondamentaux aux projets de recherche structurant ces programmes, sont déjà co-financés par plusieurs de ces programmes et de nombreux autres suivront. De plus, certains appels à projets sont susceptibles d’intéresser une large communauté scientifique répartie dans les différents programmes, comme l’appel à projets encore ouvert du programme eNSEMBLE (appel à projets de recherche interdisciplinaire et appel à projets de post-doctorat) et le dernier appel à projets du programme MathVives qui a sélectionné des projets focalisés sur les phénomènes de crues extrême et la modélisation climatique.
    De nombreux sujets de recherche liés au programme Risques ont également été soulignés, tels que les risques environnementaux et la sismicité induite par la géothermie (Sous-sol) ou encore un projet de thèse sur la gestion des risques (eNSEMBLE). Enfin, tous les programmes ont souligné l’importance de sensibiliser la sphère médiatique à la thématique de la gestion des risques et ont convenu de l’intérêt d’organiser des rencontres entre leurs communautés scientifiques et les communautés journalistiques dans une optique de sensibilisation.

    Le programme Risques (IRiMa) remercie les 5 programmes représentés :

    Journée scientifique annuelle 2025
    Cette journée scientifique a été suivie dès le lendemain par l’assemblée générale du programme. Cette assemblée s’est déroulée à l’université Grenoble Alpes, où les responsables des projets ont fait états de leurs progressions, avant de se rassembler en deux groupes pour des ateliers thématiques, l’un sur l’interdisciplinarité, l’autre sur l’international.
    Atelier interdisciplinarité de l'assemblée général 2025.

    Atelier interdisciplinarité : 

    Au sein du programme Risques, l’interdisciplinarité a déjà eu des effets positifs, tels que l’ouverture sur de nouvelles problématiques, le travail collaboratif pour les réponses aux appels à projets.

    Pour autant des limites et marges de progressions ont pu être soulignée. L’interdisciplinarité mériterait d’être officiellement positionnée comme un enjeu majeur, ce qui permettrait de l’intégrer dès la conception des projets et d’augmenter sa diversité, car certaines disciplines restent encore assez éloignées. Pour faciliter les échanges, la mise en place d’un glossaire commun et d’outils de collaboration a été évoqué pour favoriser la compréhension entre les disciplines, qui travaillent parfois sur des thématiques et concepts proches, mais avec des vocabulaires différents. 

    Des opportunités ont pu être relevées, comme le soutien à la créativité pour favoriser l’agilité face à de nouvelles problématiques, par l’organisation d’ateliers et séminaires dédiés à l’interdisciplinarité et augmenter les actions communes entre partenaires.

    L’interdisciplinarité fait cependant face à des dynamiques contraires, avec un manque de reconnaissance des publications, un modèle de carrière scientifique encore peu enclin à favoriser les profils transdisciplinaires et parfois un certain opportunisme, délétère à un réel développement de la capacité de collaboration.

    Atelier international :

    La visibilité du programme à l’international étant un enjeu central, les réseaux solliciter et les actions de lobbying à mener ont fait partie des questions de cet atelier.

    Malgré une expertise reconnue et une certaine présence dans des réseaux internationaux, certaines limites actuelles ont pu être soulignée. A l’échelle nationale, la place de la France dans le Bureau des Nations Unies pour la réduction des risques à l’ONU (UNDRR) et une faible visibilité des sciences humaines et sociales ont fait partie des points faibles, entre autres. L’absence de lois programmatiques et un défaut de sensibilisation des décideurs quant à la recherche scientifique sur la thématique des risques sont également des éléments qui peuvent venir limiter la visibilité internationale des travaux menés par le programme.

    Cependant, des opportunités existent. L’approbation par l’assemblée générale des Nations Unies de la « Décennie d'Action pour les Sciences Cryosphériques » permettrait de mobiliser une partie de la communauté scientifique. Le Belmont Forum pourrait également représenter une plateforme internationale intéressante pour le programme. De plus, la participation à des études comparatives internationales, des actions dans les domaines de l’édition scientifique et de la pédagogie ainsi qu’un renforcement de la visibilité des coûts engendrés par les catastrophes permettraient de progresser dans la visibilité internationale du programme.

    Cet atelier a permis de confirmer la nécessité pour la communauté du programme Risques de se structurer dans les mois à venir afin d’être positionnée en acteur majeur de la recherche française sur les Risques.